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Gilles Brassard, le canoteur à l’origine de la cryptographie quantique



2009-03-23
Dominique Nancy
Gilles Brassard, le canoteur à l’origine de la cryptographie quantique
Il ressemble à la matière qu’il étudie. Discret et brillant. Mystérieux et indispensable. La cryptographie a façonné Gilles Brassard. Et le professeur du Département d’informatique et de recherche opérationnelle a porté cet art de coder et de décoder l’information vers des sommets insoupçonnés. Il fait également partie des pionniers de l’ordinateur quantique, un instrument qui pourrait révolutionner l’informatique comme le transistor a transformé l’électronique.
«Avec un ordinateur quantique utilisant seulement un millier de particules, on pourrait effectuer rapidement un calcul qu’un ordinateur classique de la taille de l’Univers ne parviendrait pas à faire avant l’extinction du Soleil», affirme le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en informatique quantique, un précurseur sur la scène internationale dans le domaine et l’un des chercheurs à l’origine du concept de la téléportation quantique.

L’homme n’a rien du savant fou. Ce grand vulgarisateur d’une simplicité déconcertante est à son aise autant devant un auditoire de 500 personnes qu’en camping au milieu des bois et peut parler d’«intrication», d’«univers parallèles» et de «théorie de l’information quantique» aussi bien à des experts qu’à un groupe de jeunes de 15 ans au cours de ses visites dans les écoles. Ce père de deux filles, Alice et Léonore, évoque avec la même passion son intérêt pour le canot et les grands espaces verts du Québec.

Un brillant parcours à la vitesse de la lumière

M. Brassard a trouvé très tôt dans les nombres et leur logique un terrain d’expression. «Mon frère Robert, de six années mon ainé, m’enseignait les maths par plaisir, raconte-t-il. Très jeune, j’ai su que je voulais devenir mathématicien.» Surdoué – au primaire, il maitrise déjà le calcul différentiel –, il entame son baccalauréat à l’Université de Montréal à l’âge de 13 ans. Le mathématicien-informaticien emprunte un chemin de traverse à la fin des années 70 et se tourne vers la cryptographie, la science du codage secret. «Au cours de mon doctorat à l’Université Cornell, je suis tombé sur une publication traitant du sujet. L’élégance mathématique du concept a eu sur moi un effet-choc.» Il réoriente aussitôt ses études de doctorat vers cette discipline. À l’époque, peu de gens travaillaient dans cette branche réservée aux militaires. Dans le monde de l’enseignement, tout était à construire.

En 1979, il est engagé à titre de professeur par l’UdeM. Il a 24 ans. Cette même année, Gilles Brassard fait la rencontre de Charles Bennett, un physicien qui deviendra l’un de ses principaux collaborateurs. Ensemble, ils appliquent les principes de la mécanique quantique (théorie qui explique le comportement de toute matière et énergie, par exemple les photons, les électrons et les atomes) à l’informatique. La cryptographie quantique venait de voir le jour. Grâce aux propriétés fondamentales de l’information quantique, la moindre tentative d’interception d’un message codé par leur technique altère aussitôt celui-ci. Le message est ainsi protégé des espions.

Gilles Brassard ne va pas en rester là. Il se tourne vers des applications encore plus futuristes de l’information quantique. Avec cinq autres chercheurs, dont ses amis Charles Bennett et Claude Crépeau, il bouscule les croyances établies avec son concept de téléportation quantique. Publié en 1993, leur article original a été à ce jour cité au-delà de 4000 fois selon Google Scholar.

À 53 ans, le chercheur a connu tous les honneurs ou presque. Membre de l’Académie des sciences de la Société royale du Canada, lauréat de la Bourse commémorative E.W.R. Steacie du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada en 1992, boursier Killam en 1997, gagnant du prix Marie-Victorin en 2000, fellow de l’International Association for Cryptologic Research... Gilles Brassard a figuré trois fois plutôt qu’une parmi les trois finalistes de la médaille d’or Gerhard-Herzberg, la récompense en sciences et en génie la plus prestigieuse du Canada.

L’avènement du commerce électronique et des nouvelles technologies de la communication a rendu les travaux du chercheur incontournables. Mais ce n’est pas la longueur de son curriculum vitæ ni sa renommée qui lui monteront à la tête. Considéré comme l’un des plus brillants informaticiens du monde, le professeur Brassard demeure humble. Il démontre aussi un bon sens de l’humour.

Serait-il sans faille? Il rit. Toutefois, sur le sujet, l’homme reste impénétrable.

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Sylvain Allard
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